Univers 1990 by Univers

Auteur:Univers [Univers]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science-fiction
Publié: 2014-03-10T17:49:39+00:00

La seule chose qui le sauva fut son expérience. Quand on a passé trente ans dans la police, on ne rentre pas dans une pièce en enfonçant la porte. Trente ans passés à côtoyer des ninlocos, des dealers de jus et des dingues de toutes sortes, et on rentrait en douce. Foncez dans le tas, et vous risquez d’énerver quelqu’un, et ce quelqu’un risque de réagir avant que vous ayez eu le temps d’évaluer la situation.

Son expérience lui dit qu’Hypatia aurait pris soin de faire sceller la porte du bureau par la Sécurité. Lorsqu’il la découvrit ouverte, il la poussa aussi doucement que possible.

L’éclairage était réglé au minimum. L’écran mural grouillait de symboles embrasés et de réponses verbales atténuées. En son centre se trouvait le tunnel, luisant et ondoyant comme un python électrifié. Il distingua le bureau, les portraits holos de la famille de Wallace Crescent, délaissée, innocente.

Hypatia gisait sur le sol. Il y avait assez de lumière pour éclairer la silhouette penchée sur elle. Assez de lumière pour voir la forme immobile de Charliebo, couché non loin de là.

En dépit de sa discrétion, la silhouette perçut sa présence. Elle se tourna pour lui faire face. Son costume caméléon se fondait dans le décor, mais il reconnut tout de suite les triples verres qui dessinaient une bande multicolore sur son visage. Les trois couleurs primaires étaient à présent rabaissées et fonctionnelles.

Cardenas vit que la combinaison d’Hypatia était ouverte jusqu’à ses cuisses. On avait plaqué une poignée de secrylic sur sa bouche, qui l’avait étouffée en se durcissant. Des bracelets de pâte-à-flic étaient également passés autour de ses poignets et de ses chevilles. Elle essaya de rouler vers lui, mais s’aperçut qu’il lui était difficile de bouger car la silhouette avait posé un genou sur sa hanche.

Son regard se tourna vers Charliebo. La poitrine du berger allemand était immobile, ses yeux étaient vides. La vision de Cardenas se brouilla légèrement et ses dents grincèrent les unes contre les autres.

— Non, dit l’exhibo.

Il ne semblait guère hésitant ce soir. Il jeta un regard vers Hypatia, puis sourit au Federale.

— Tu t’inquiètes pour ta nana ? Inutile. Peut-être. Approche, et ferme la porte derrière toi. Si je l’avais scellée, tu serais allé chercher de l’aide. Comme ça, je n’ai à m’occuper que de toi, pas vrai ?

Il se pencha légèrement sur sa droite comme pour voir s’il y avait quelqu’un derrière Cardenas.

— Bien.

Cardenas garda ses mains bien en vue, ne fit que des mouvements lents et sans équivoque. Hypatia lui lança un regard implorant. Il vit qu’elle avait pleuré. Du calme, se dit-il. Tout ira bien.

Mais tout n’allait pas bien, tout n’allait pas bien du tout.

— Si tu fais une seule grimace dans le mauvais sens, Federale, elle va le regretter. (L’exhibo souriait de quelque chose qui n’amusait que lui.) T’aurais dû rester au lit, mec.

Pas de précipitation. Pas d’affolement. Pas encore. Il fit un pas sur sa droite.

— Pourquoi avais-tu besoin de tuer mon chien ?

La réaction de l’exhibo ne fut pas celle qu’il avait anticipée.

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